Attention, ici Aladdin n'est pas loin! On s'attend à voir arriver un tapis volant à chaque virage, il faut dire que la région que nous avons découverte aujourd"hui, la vallée du Draa, tellement différente du désert, complète avec bonheur l'enchantement déjà ressenti hier. Nous quittons donc les bordures du désert pour remonter vers le nord le long de la vallée du Draa, la plus grande palmeraie du Maroc qui longe l’oued Draa : tout est tout de même très sec, et les irrigations dépendent essentiellement des ouvertures de barrages depuis une quinzaine d’années. Nous sommes en pleine saison des dattes et les palmiers sont plein à craquer de fruits dorés, les petits marchands au bord des routes attendent le passant avec leurs boites colorées. Après presque trois heures de route nous arrivons à notre destination, Tamnougalt, un village que j’avais repéré pour son magnifique ksar en bord de palmeraie. Nous pénétrons dans une petite rue du village quand un habitant sur sa mobylette vient à notre rencontre : c'est Icham, "bienvenue mes amis", qui nous conseille d’aller nous poser dans les jardins de l’auberge d’Ismail, « le Jardin de Tamnougalt », qui a la place pour accueillir un camping-car. L’auberge est toute simple, mais les extérieurs splendides : l’environnement est gavé de grenadiers, de palmiers dattiers, de citronniers, de mandariniers. Si nous sommes installés dans un véritable jardin d’Eden, les sanitaires de l’auberge mis à notre disposition font office de douloureux retour sur Terre !!! A la turque, avec une bassine à remplir pour faire chasse d’eau, ça promet de grands moments avec les enfants… heureusement le pique-nique sur la terrasse est très agréable, et le jardin permet un bon moment de repos, de devoirs, de lessive, que j’accroche dans un palmier : il devient le temps de quelques heures mon « arbre à culottes » !
Nous avons convenu avec Icham de nous donner rendez-vous pour la fin d’après-midi, pour qu’il nous fasse la visite du ksar. On commence par une promenade guidée dans la palmeraie, un vrai labyrinthe de jardins, de petits murets en pisé, de canaux d’irrigation, de portillons secrets. Icham nous explique les différentes cultures, actuellement c’est le maïs, la luzerne pour les bêtes, les choux, les courges, et les dattes évidemment : on apprend à reconnaitre le palmier mâle du palmier femelle. Les dattes sont parfaitement fraîches à cette saison, elles sont charnues et gonflées comme des gros bonbons confis, c’est un régal quand elles fondent dans la bouche, on ne résistera pas à en acheter deux belles boites… Pierre qui pensait ne pas aimer ces fruits, redécouvre leur saveur : rien à voir avec celles de Farid notre épicier de la place des Pradettes !! Icham nous parle aussi de l’alphabet et des signes berbères, le « z » est le symbole de l’homme libre, il nous écrit nos différents prénoms sur le sable. Les berbères ont une belle philosophie d’universalité, où chacun peut apporter à l’autre, sans distinction de religions ou communautarisme, ce qui explique qu’ils vivaient avant en belle harmonie avec le peuple juif mais aussi les Touaregs, caravaniers du désert. Nous voilà arrivés au pied du ksar, ce magnifique village fortifié du XVIe siècle, qui hébergeait à l’époque dans ses kasbah 1500 personnes. Quatre portes permettaient d’y accéder : la porte des Juifs, la porte des Berbères, la porte des Caravaniers et la porte des Jardins. Le ksar était divisé en différents quartiers, on commence par visiter une kasbah juive, à l’ingénieux système de clé qui m’a laissé admirative. Puis nous déambulons dans le rose des ruelles, le long des murs et des portes, pour arriver sur une kasbah berbère, où nous montons tout en haut de la terrasse, pour une vue superbe sur les montagnes environnantes, le massif de Kissane. Les lumières de la fin de journée subliment encore et toujours le pisé, les montagnes, la palmeraie, c’est un enchantement de se promener ici, guidé par notre Aladin !! Je suis complètement transportée dans l’histoire des contes des mille et une nuits ! Zoé est sous le charme également car elle me demande « si on pourra revenir ici quand je serai adolescente », elle devait s’y faire des rêves de princesse orientale ! Sur le retour Icham me donne la recette de l’omelette berbère dans le plat à tajine : je m’en régale d’avance. Le soir venu, je m’applique à faire revenir mes oignons dans l’huile d’olive, à faire rissoler tomates et poivrons pour les transformer en une petite sauce appétissante saupoudrée de mes épices, et au moment de casser mes œufs sur la préparation avant de les couvrir pour que la cuisson finisse en vapeur, paf ! un œuf pourri qui vient gâcher tout le plat, comme un gros gribouillage sur un début d’œuvre d’art !!! L’odeur est insupportable, je suis obligée de tout jeter, et j’en resterai contrariée toute la soirée…
Le lendemain, nous nous arrêtons sur la ville d’Agdz pour quelques courses, on s’arrête chez un vrai boucher (reconnaissable à leurs cahutes rayées de rouge et blanc et surtout aux énormes pièces de viande qui pendouillent !) pour nos futurs barbecues de bivouacs. Nous croisons un monsieur sur le trottoir, devant sa boutique, qui nous tape la causette et nous rapporte à nouveau les différents éléments de la philosophie berbère : « quelle que soit sa religion, l’Homme vient de la terre et retournera à la terre, donc il ne sert à rien de chercher un groupe supérieur à l’autre », et il me donne une maxime finale de son large sourire édenté (clin d'oeil à notre Youssef de Fès!), qui, en tant que médecin, me parle beaucoup : « le Rire est le paracétamol de la Nature, une journée sans rire est une journée perdue ! » J’adore… Direction maintenant Taliouine et sa région de culture du safran ! C’est la saison du début des récoltes !
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