En cette deuxième journée sur Ua Pou, c’est une matinée culturelle qui nous attend.
Jérôme nous emmène dans son 4X4 découvrir une partie de la côte-est pour nous transmettre un tas d’informations passionnantes sur l’île. Rachel, une pensionnaire tout juste arrivée hier en fin de journée, Américaine d’origine Coréenne qui fait le bel effort de parler français, est des nôtres !
On fait un premier stop à hauteur du cap Mokohe pour un véritable cours de géologie en pleine nature.
Plaques tectoniques, volcanisme, naissance des îles Marquises.
Puis on se focalise sur Ua Pou qui a une histoire géologique très particulière : caldeira volcanique inversée (que Jérôme nous mimera astucieusement avec une ventouse à déboucher les WC!!), ride centrale, colonnes de lave, puis déplacement de la plaque tectonique (10cm/an tout de même) qui permettra le refroidissement des colonnes de laves, qui se sont figées, puis érosion et destruction du basalte qui les moulait : voilà la naissance des fameux pitons de Ua Pou, dont les douze plus grands sont visibles au centre de l’île pour la dominer fièrement. Les plus hauts dépassent les 1000 mètres d’altitude. On les appelle pitons ou pics phonolithiques car ce type de roche conduit parfaitement le son. Ils ont tous un nom, celui des guerriers nommés par les légendes marquisiennes, et demain en randonnée, on ira toucher Poumaka!
On continue avec un cours de climatologie : la côte-est de Ua Pou reçoit le vent et la houle, les nuages s’arrêtent autour des pics du centre qui délimitent une frontière d’altitude naturelle d’orientation nord-ouest/sud-est, et la côte ouest bénéficie de baies plus calmes.
Enfin, on a aussi quelques notions d’histoire : les grandes migrations polynésiennes (déjà vues au musée de Tahiti et des îles), la découverte de cet archipel par les Espagnols qui les nomment Marquises en hommage au marquis de Canete, leur vrai nom marquisien "Te Fenua Enata/ Te Enua Henana"(Terre des Hommes), l’identification de Ua Pou par Ingreham (un Américain) en 1791 puis par Etienne Marchand deux mois plus tard, qui l'indexe à la France.
On continue notre chemin pour aller voir Jean, un sculpteur de pierre fleurie, la grande spécialité de Ua Pou.
C’est une pierre endémique, avec une particularité géologique qui crée des motifs fleuris au sein de pierres qu’on trouve essentiellement dans la vallée de Ho’hoi où il nous emmène. De son vrai nom « phonolithe à grenats », cette pierre magique dont les motifs fleuris ne se révèlent que lorsqu’elle est mouillée ou polie, est taillée par des artistes, à la meuleuse, pour en faire des tiki, des tortues, des pendentifs… Ici aussi, c'est très très artisanal : pas d'atelier, on travaille dehors au milieu des chiens et des coqs...
On poursuit par un stop sur la grande plage de galets de Ho’hoi où notre mission est d’essayer de trouver un galet fleuri. Les vagues sont puissantes et nous frappent les chevilles, les galets roulent sous l’eau, le décor est grandiose, il fait chaud, et c’est bien difficile ! Il nous faudra environ vingt minutes de recherches assidues pour que j’en trouve un, brusquement, aux pieds de Basile! Quelle chance!
La dernière étape de cette matinée riche en informations n’est pas des moindres. Voilà la visite du site archéologique de Mauia, toujours dans la vallée de Ho’hoi.
Un site magnifiquement restauré suite pour le festival des îles Marquises de 2007 puis de 2019. On est tout seuls. Et on comprendra à notre deuxième passage le dernier jour qu'on est toujours tout seuls à cet endroit, il n'y a vraiment pas de touristes à Ua Pou!!
On s’y assoit et on écoute Jérôme nous raconter avec passion comment les archéologues distinguent les différents types de pae pae (plate-formes de pierres empilées ayant une fonction): habitation, travail, représentation;(celui du chef de tribu), les meae (nom marquisien des marae) pour les rituels sacrificiels, les tiki, ces sculptures sur bois ou sur pierre, dont la fonction était de protéger les habitations. Mais il nous raconte aussi toute la violence de ce peuple marquisien, un peuple de guerriers sanguinaires, pour lequel seule comptait la force qu’on était capable de montrer à la tribu voisine pour l’impressionner et la dominer.
Il nous raconte ce peuple cannibale, qui pratiquait les sacrifices humains, on a même droit à toutes sortes de détails ragoûtants ! (hum les scalps mis sous sur les épaules en guise de médailles mais aussi pour se réchauffer pendant l’hiver austral!).
Il nous raconte les rites funéraires.
Il nous raconte le haka, cette danse guerrière: la danse du cochon (Haka Puaka), la danse de l’oiseau (Haka Manu), la danse d’intimidation avant la bataille (Haka Taua), reprise par les Mahori de Nouvelle-Zélande mais bel et bien né ici aux Marquises.
Mais ce peuple terrorisait tous ses voisins, et le tiki protecteur mis sur la proue des pirogues était bel et bien considéré comme un signe annonciateur de malédiction pour les autres îles de la Polynésie. Comment le bonheur des uns fait le malheur des autres!
Il se dégage de ce lieu un bon mana (esprit, énergie), avec toute cette végétation autour, c’est le plus beau site archéologique qu’on ait vu en Polynésie jusque maintenant. Et c’est pour cette raison que nous y reviendrons le dernier après-midi, incroyable de pouvoir à nouveau jouir d’un tel lieu tout seuls: le fils de la famille qui habite face au site nous a donné des pamplemousses, on se fait un goûter de roi dans cet endroit magique, et une petite partie de cache-cache. Fermer les yeux et revivre la vie tribale d’il y a trois siècles…
L’après-midi se passe à nouveau à la pension, au village de Hakahau : piscine pour Zoé, sieste pour les garçons, et moi, je retourne me promener dans les rues, pour humer le mana d’ici.
Je ne résiste pas à aller bavarder avec les dames du centre artisanal, elles sont rigolotes, et toutes rêvent de la France… Dehors, une autre dame tresse de l’écorce de pandanus, et m’explique le « point moulin », on papote, sa belle-fille marquisienne également est venue pour les vacances alors qu’elle vit à Belfort : quel choc des civilisations!!!
Puis je traine sur la plage, et je remonte marcher derrière la pension pour gagner la baie voisine de Anahoa. Le jour se couche, rien n’a changé, rien n’a bougé, ça sent vraiment le voyage hors du temps !
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