Il nous reste un dernier temple majeur à visiter avant la fin du voyage : Philae, à 7 kilomètres au sud de Assouan, qui marquait la frontière avec la Nubie.
Erigé au IIIe siècle avant JC, gréco-romain donc, pour vénérer Isis, la mère universelle, épouse d’Osiris.
Sa situation insulaire sur le Nil l’enveloppe dans une atmosphère particulièrement douce au coucher du soleil.
C’est aussi l’endroit où l’on trouve les hiéroglyphes les plus récents de l’histoire, et où l’on pratiqua les croyances antiques jusqu’au IVe siècle après JC : l’empereur Theodose, inquiet de cette ferveur persistante envers Isis ordonna la fermeture du temple, investi plus tard par les coptes.
Dès la construction du premier barrage d’Assouan en 1902, Philae fut victime d’inondations et trempait dans l’eau : les touristes du début du siècle le visitaient alors en barque, sillonnant sur l’eau entre les colonnes ! Comme Abu Simbel, il fut sauvé du grand barrage de Assouan qui l’avait inondé jusqu’aux épaules, en étant démantelé puis reconstruit sur une autre île, 100 mètres plus loin, un travail de titan qui s’étala de 1972 à 1980.
Pour nous y rendre, je trouve un taxi dont le chauffeur, typiquement nubien, a quelques mots de français et est très fier de me faire monter dans sa Peugeot 504, « voiture française! », une antiquité bien vieillotte au charme fou malgré les portières qui tombent en ruine. Le tableau de bord est vintage à souhait, recouvert d’une belle moumoute pleine de poussière, il y a même un petit réveil très 50's implanté dans le tableau de bord!
Il nous attend le temps de toute notre visite et nous convenons que ce sera lui qui nous emmènera à l’aéroport le surlendemain.
Il faut négocier un bateau à moteur pour nous rendre sur l’île qui héberge les vestiges, et ce n’est pas chose facile! Heureusement je me regroupe avec un jeune couple anglais, intéressé pour batailler dans la négociation avec moi et partager les frais, très sympathiques de surcroit. On s'en sort pour 200 livres chacun, sans faire payer Zoé, pas si mal compte-tenu de la férocité des capitaines qui font le carton plein avec les groupes...
Nous avons donc passé toute la fin d’après-midi sur Philae : plus que ses vertiges et ses dessins, c’est surtout sa position sur l’eau qui le rend si poétique…
Zoé est comblée : plusieurs chats ont investi les lieux, et pour une fois, sont demandeurs de caresses et de câlins!
La vue depuis le kiosque de Trajan est particulièrement agréable…
On retient les graffitis des années 1800, où les voyageurs, alors que les pierres étaient encore au sol, ont gravé la trace de leur passage; il existe même un graffiti plus ancien encore, qui date de l’époque romaine, dans le grand temple d’Isis, qui stipule : « B Mure sultus est », soit « B Mure est un sot! » !!!
Temple d’Arensnouphis, temple d’Imhotep, grand temple d’Isis, temple d’Hathor, chapelle d’Osiris, kiosque de Trajan, temple d’Auguste, un nilomètre encore une fois, il n’y a pas de quoi s’ennuyer et on ne sait plus où donner de la tête… tant et si bien que je finis par perdre mon téléphone portable : l’angoisse absolue!!! Je regarde partout, je refais mon trajet à l’envers, rien ! Il n’y a pourtant plus grand monde sur le site et le retrouver devrait être facile, mais aucune trace … Je commence à sérieusement stresser à l’idée de ne plus pouvoir joindre les miens restés en France, et à ne plus pouvoir me diriger lors de mon retour sur Eléphantine!
Par chance, un jeune Egyptien que j’avais pris en photo à sa demande dans le temple d’Isis, est encore là : il parle anglais, il est ici en touriste depuis le Caire.
Il tente de m’appeler sur mon numéro égyptien et quelqu’un décroche : ouf !!! Je ne sais pas trop ce qui s’échange dans la conversation mais il est convenu que la personne dépose mon téléphone aux policiers situés à l’entrée du site, après le retour en barque.
Ma visite touchait à sa fin et la fermeture du site était imminente, ma visite n’a donc pas été entachée par ce petit incident, mais je suis bien soulagée lorsque le policier interrogé me sort mon téléphone de sa poche... sans réclamer de bakchich !!!
Le lendemain après-midi, c’est encore sur le Nil autour d’Eléphantine que je décide de passer nos dernières heures, en felouque, cette embarcation à voile si emblématique d’Assouan sur laquelle nous n’étions pas encore montées!
J’avais trouvé son capitaine qui m’avait abordée à l’entrée des vestiges archéologiques de l’île, et nous voilà parties pour une belle balade de trois heures, tout autour de l’île et avec un petit arrêt sur l’île aux fleurs.
Les felouques ont un charme d'antan avec leurs bois vernis de blanc, leur quille d'un autre âge, leur grand voile
C’est très lent, la navigation se fait en zigzag sur la portion située entre la ville d’Assouan et Eléphantine, mais le silence est appréciable, et il n’y a pas les odeurs de moteur!
Zoé lit ses BD, elle continue de jouer encore et encore avec ses petites poupées, dans son monde imaginaire infini...
Je profite des paysages, de l’eau, du désert en face, des vues sur le mausolée de l’Aga Khan qu’on voit si bien depuis notre terrasse (c’était le chef spirituel des Ismaéliens, une branche de l’Islam, marié à une ancienne miss France des années 30, qu’on appelait la Begun, et mort en 1957).
On débarque sur l'île aux fleurs qui abrite un jardin botanique que les familles d'Assouan ont pris d'assaut, comme la semaine dernière au parc El Azhar au Caire : et oui, c'est vendredi ! On traverse les jardins, on admire les rives du Nil côté désert, les felouques qui glissent dans la douceur de l'après-midi.
Je profite encore des lumières, de ces chaos rocheux ronds qui donnent ici du relief au fleuve, des hérons et des aigrettes qui s’envolent devant nous.
Le vent est maintenant complètement tombé, on fait du sur place, je dirais même qu'on recule !!
Le temps s’est arrêté jusqu’au coucher de soleil, c’était notre dernière soirée en Egypte…
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