Etosha. La quintessence de la Namibie, le coeur de l’Afrique sauvage.
Je ne sais pas trop pourquoi, mais j’ai failli ne pas programmer Etosha sur notre parcours… J’avais en tête une plaine aride et hostile, avec peu d’animaux visibles…
Heureusement après moultes recherches, tous les avis étaient unanimes : cette immensité namibienne pullule de vie sauvage, certains visiteurs allant jusqu’à passer une semaine entière dans Etosha!
Le parc national d’Etosha, avec plus de 20000 km2, est effectivement considéré comme l’une des plus belles réserves animalières au monde, avec une densité de faune remarquable.
Il occupe l’immense Pan d’Etosha, ce désert salin tout plat qui pendant quelques jours à la saison des pluies se transforme en une lagune peu profonde qui attire pélicans et flamands, alors qu’en fin de saison sèche, c’est-à-dire en ce moment, il se pare d’une poussière blanche assez féérique à la lumière du matin.
En arrivant du Damaraland, nous sommes entrés par la porte ouest - Galton gate -, où des tables de pique-nique ont été installées. Il y en a très peu, plutôt situés sur les zones de campement, et il est bien sûr interdit de sortir de son véhicule, donc il est plutôt stratégique de se substanter à cet endroit. Et alors que les estomacs sont rassasiés, on attaque la suite de la piste : ça y est, on roule dans Etosha !!!
Sur toute cette zone ouest, les paysages sont ceux d’une savane sèche, herbeuse, dorée, et ponctuée d’arbustes verdoyants, les fameux Maupane de Namibie, exactement comme dans nos clichés de savane africaine : ça nous change du monde quasi exclusivement minéral vu jusqu’ici !
Et alors qu’on roule tranquillement pour parcourir les 60 kilomètres qui nous séparent de notre premier campement, on se sent très vite gâtés. Ces sont les zèbres qui se présentent à nous en premier, leur pelage me fascine, on trouve dans leurs zébrures une forme de perfection graphique qui m’impressionne, le génie de la génétique animale en somme… Puis les springboks sont partout, graciles, légers, discrets mais tellement nombreux; on croise nos premières girafes, on en verra tellement, c’est fou! Impassibles, elles nous toisent, interrogatives, avant de reprendre leur inlassable ruminement : en les observant, je leur trouve finalement une ressemblance avec le chameau! Même façon de mastiquer sans cesse, même flegme, même regard un peu simplet, même déplacement lent, et une tendance à la bosse dorsale lorsqu’elles s’inclinent à hauteur d’arbuste pour brouter! D’ailleurs, un guide rencontré plus tard dans le Waterberg m’expliquera que le mot « girafe » en dialecte local est proche de « chameau », je ne suis donc pas la seule à avoir vu des points communs!
Je les adore ces girafes, je ne me lasse pas de les immortaliser sur la pellicule, au grand dam du reste de la troupe!
Les éléphants aussi progressent à nos côtés dans la végétation, ils sont un peu plus loin et donc plus difficiles à capturer en photo, mais nous n’en sommes qu’à nos premiers, le reste de nos explorations nous prouvera que nous les observerons de très près! Autruches, vautours, steenboks avec leurs grandes oreilles de lapin, chacal: nous avons acheté au Hoada Camp en partant une carte-guide qu’on ne quitte plus, et les enfants s’éclatent à cocher les cases des espèces croisées.
On se sent tellement chanceux d’évoluer ici, et sur cette partie du territoire on est vraiment seuls sur les routes, on ne croise quasiment personne !
Nous arrivons vers 16 heures sur le campement d’Olifantsrus, à l’histoire singulière: ce site a été bâti sur un ancien abattoir d’éléphants, et les installations ont été conservées en héritage mémorial… La poulie qui servait à hisser les carcasses est toujours là, un peu sinistre, mais elle rappelle que la vie sauvage est fragile… D’ailleurs la Namibie a fait le choix critiquable de ne pas interdire totalement la chasse : elle délivre des permis spéciaux destinés à abattre de vieilles bêtes, les sommes exorbitantes qui y sont investies par les amateurs de trophées africains sont ensuite directement injectées dans les démarches de protection de la vie sauvage… Un peu interrogeant, mais la Namibie a rapidement décidé de s’autonomiser dans ses choix politiques, sans continuer de subir les influences coloniales comme d’autres pays voisins. Les mines de diamant et une faune sauvage dense font toute la réputation du pays…
Ce campement présente des emplacements sommaires, mais on peut se brancher à l’électricité, et surtout il est doté d’une merveilleuse passerelle qui mène à un point d’eau aménagé, surmonté d’une hutte d’observation très bien pensée, où des éclairages de nuits discrets permettent aux campeurs d’observer nuit et jour la fascinante vie animale des alentours.
On s’installe pour marquer notre territoire (!), et on repart en balade de 17h30 à 19h, heure de la fermeture du camp, la circulation de nuit dans le parc étant strictement interdite aux particuliers.
Je retrouve ma lumière dorée et adorée, et nous passons une fin d’après-midi encore bien riche.
C’est vite addictif, la faune sauvage avec une telle facilité d’observation !
Après le repas, on se rend au point d’eau : désert au moment du coucher du soleil, il commence à s’animer à la nuit tombée.
Dans la hutte, nous somme une dizaines de personnes, installées là à scruter en contrebas les abords de la mare, dans un silence de cathédrale au milieu de la nuit noire.
Il y a ici de vrais passionnés, avec un matériel photo impressionnant : je me sens tout à coup assez ridicule avec mon petit Pentax K70 et mon objectif de 300mm !
Un troupeau de springboks investit d’abord les lieux. La hutte nous oblige à la patience : si tout peut changer rapidement, il faut souvent de longues minutes (voire des heures!) d’attente pour voir enfin surgir la vie nocturne.
C’est à partir de 20h30 que l’animation a réellement commencé. Comme au cinéma, les vedettes ont fait leur entrée depuis le fond de la nuit noire: invisibles d’abord, puis une ombre, et les spécialistes à l’oeil aiguisé nous chuchotent les résultats de la loterie. Les springboks ont commencé par venir s’abreuver, puis au bout d’une quinzaine de minutes, ils se sont brutalement dispersés en courant : une hyène brune est en approche, avec sa démarche de filou: elle reste là très longtemps à l’affut, mettant à distance les springboks qui n’osent plus approcher. Au bout d’un trentaine de minutes, la scène change enfin : un éléphant imposant, solitaire, s’avance lentement dans la lumière, totalement silencieux… C’est splendide, on le surplombe alors qu’il s’approche tout près, majestueusement. L’excitation monte, il vient s’abreuver de longues minutes juste sous nos yeux dans des bruits de lavabo géant!!!
Puis il cède la place, repartant dans la nuit noire aussi élégamment qu’il était arrivé.
La hyène revient dans le rôle principal, elle s’agite, elle émet des petits piaillements, et l’on voit alors deux autres compagnes qui surgissent des coulisses : leur déplacement est incroyable, on dirait vraiment les trois hyènes fourbes du Roi Lion!!! Zoé est totalement fascinée et réalise l’exploit de ne pas parler pendant plus d’une heure d’observation… Personne n’ose tousser, ou remuer…
A 22h on capitule, on est épuisés. Le rhinocéros, une des stars d’Etosha, viendra probablement en milieu de nuit, alors que tout le monde sera profondément endormi…
Il fait tout doux lorsqu’on escalade les échelles qui mènent à nos tentes de toit, les nuits fraîches du sud ont disparu ! Voilà la garantie d’une bonne nuit de sommeil, des rêves d’arche de Noé plein la tête!
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