Six heures trente : nous voilà dans l’immensité du désert, dans la lumière du lever de soleil, face à mon graal, le village fantôme de Kolmanskop. Des années que je rêve de venir m’éclater en photo sur ce site bien connu des voyageurs amateurs de belles images.
Cet ancien village d’exploitation de mine de diamants, qui s’est vidé au début des années 50, s’est fait capturer par les sables envoûtants du désert, comme un serpent enserrerait inlassablement ses proies, et les maisons ouvertes aux vents et à l’abandon se découvrent dans une poésie toute absolue.
Y venir au lever de soleil garantit de douces lumières sur ces façades exposées à l’est, et promet une déambulation en totale solitude.
Et pour être seuls, on est seuls!! Ce qui ajoute une magie évidente à notre exploration d’aventuriers!
On entre dans les maisons par les fenêtres, on enjambe les poutres de bois, on découvre des pièces aux murs colorés figés dans le temps, où le sable partout a pris possession des volumes. Des dunes envahissent les coins et les recoins, les encadrements de porte, nous rapprochant un peu plus des plafonds. Il faut baisser les têtes, et chaque porte ouvre vers un décor toujours plus onirique, c’est fantastique. Une oeuvre d’art sculptée par la nature, dans la solitude du vent et de la lumière blanche du matin. Ici une baignoire oubliée, pour des prises de vue géniales, là des latrines abandonnées, un lavabo émaillé, et des frises aux murs du début du siècle, des papiers peints déchirés, des pastels sublimés par les jeux d’ombre et de lumière. Toute la famille prend plaisir à explorer chaque bâtiment, à sauter dans le sable, à grimper prudemment les escaliers d’une vieille demeure décatie, en prenant garde à ne pas passer à travers un mauvais plancher! Le vent siffle par les toits, des pigeons s’envolent, on devine sur le sable les traces de rongeurs et de serpents, mais on n’aperçoit pas les hyènes tachetées qui peuvent fréquenter les lieux!
Quel décor incroyable ça pourrait être pour le cinéma! Un ancien hôpital, la maison de l’architecte, de l’instituteur, des petites maisons d’ouvriers, dans des états de délabrement avancé magnifié par le sable partout… Le théâtre, qui servait aussi de salle de sport, et le bowling, ont eux été restaurés, à côté d’un café qui ouvre vers 8h.
On y déguste un thé avec un scone bienvenu, tartiné de crème chantilly et de confiture, dans une ambiance désuète de début du siècle…
Je retourne à l’extrémité du village pour de nouveaux clichés : 800 kilomètres de détour valent bien d’y passer une belle partie de matinée! Le soleil est monté, la lumière est plus blanche, les pièces plus éclairées et je ne me lasse pas de cette promenade artistique un peu scabreuse, en pensant que cet endroit ferait le bonheur de mon père et de mon frérot, qui partagent avec moi les mêmes coups d’oeil esthétiques !
Enlisé de sable et de poésie, Kolmanskop a tenu ses promesses!
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