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Des chevaux sous les cocotiers : toute la poésie des Marquises







Les chevaux sont présents partout à Nuku Hiva, domestiqués ou à l’état sauvage. On les trouve dans les bois, sur les bords de route, sur les plages, certains sont attachés avec une longe, la plupart sont en liberté.

Les Marquisiens d’ici pensent qu’il y a plus de chevaux sur l’île que d’habitants!! (environ 3000 habitants), et ça devient un problème, car ils se reproduisent beaucoup et on ne sait plus quoi en faire. Une vente a eu lieu samedi matin sur le plateau de Toovii : cent euros le cheval !!

En attendant, nous on trouve ça très poétique dans le paysage, les voir s’enfuir au galop sur les pistes quand on apparait avec la voiture ou à pieds est un enchantement…


Pour ce troisième jour sur Nuku Hiva, on a donc prévu une randonnée à cheval avec Nui, notre guide, sur la côte nord.

Nous avons rendez-vous à Hatiheu, et la maman de Hereiti, Marie-Astrid, propose de nous accompagner, elle en profitera pour aller voir de la famille.


Une heure de route bien agréable, même si ça tourne, ça tourne, où elle nous parle de la vie d’autrefois aux Marquises, celle de sa mère et de ses grands-mères. Nous, on trouve que tout est encore tellement authentique ici qu’on a l’impression que la vie n’a pas du beaucoup changer, mais tout de même, il y a eu quelques améliorations. Le nombre d’enfants par femme, par exemple: à l’époque, il était courant qu’une femme marquisienne donne naissance à une quinzaine d’enfants. Elle nous raconte les accouchements, dans le silence, les couches de bébés qui pendaient sur le fil à linge, et qui, comme un drapeau, permettaient aux ainés qui revenaient de l’internat aux grandes vacances, d’apprendre qu’un nouveau bébé était encore arrivé!


Les enfants partaient en pension sur Tahiti dès l’âge de 5 ans, et ne revenaient qu’une à deux fois par an. Il s’agissait d’écoles privées tenues par le religieuses, dont les pratiques étaient pour certaines proches de la maltraitance. 

Actuellement, c’est à partir de la seconde que les progénitures quittent le nid familial, et selon leurs moyens, les familles essaient de les faire revenir sur les petites vacances, toutes les cinq semaines. Nous sommes en pleine pré-rentrée et partout où nous sommes passés, à Ua Pou comme ici, nous avons perçu que c’est un sujet majeur dans la vie des adolescents : l’émancipation vers Tahiti, mais aussi le pincement au coeur de quitter sa famille et son île. Chaque famille part quelques jours en amont de la rentrée pour « installer » son grand à l’internat de Tahiti.


Marie-Astrid a une vision très moderne de sa vie aux Marquises : elle a vécu à Tahiti et en métropole, et elle est convaincue qu’il faut voyager et ouvrir son esprit vers d’autres horizons pour mieux revenir dans son île et l’apprécier à sa juste valeur, ainsi elle encourage ses enfants à essayer de prendre cette voie.


La route est belle, toujours. Des cols, des vues sur les baies, ça monte, ça descend, ici Taïpivaï, puis la baie du Contrôleur, le col de Hatiheu, puis le village, son église trop chou, et sa plage du bout du monde!


Nous voilà prêts pour monter en selle : elle est en bois, recouverte d’un tapis de jute. On a chacun son cheval, mais dans la mesure où le sentier est un peu périlleux (300 mètres de dénivelé avec des chemins étroits et un peu de vide par endroit), Nui préfère que ses cousins nous suivent et tiennent les chevaux des enfants à la longe par sécurité supplémentaire: ça nous va bien !


On monte, monte, monte (on se penche en avant!) depuis la baie de Hatiheu jusqu’à celle de Anaho, superbe, qui accueillit le voilier de Stevenson en 1888 : décidément, après avoir suivi ses traces avec un âne lors de nos vacances dans les Cévennes, on le retrouve ici, au bout du monde!  On poursuit sur la baie de Haatuatua, très belle elle aussi. On est cernés de vues et de paysages superbes, mais faire de la photographie tout en guidant un cheval sur un chemin un peu vertigineux, j’ai bien du mal ! Heureusement que le cheval marquisien n’est pas très haut, je n’aurais même pas imaginé la même randonnée en étant plus haute encore! Certains passages sont étroits, j’essaie de faire confiance à la bête en me disant qu’elle connait bien le chemin et ne devrait pas poser le pied dans le vide, mais bon, je ne suis pas super à l’aise quand-même. Manifestement je suis la seule à me poser ces questions, le reste de la famille derrière est très content!

Et hop, demi-tour, on redescend vers la baie de Anaho pour le pique-nique (on se penche en arrière, on évite ici un nid de guêpe (« on serre à droite, on serre à droite »), là des arbustes aux épines cachées particulièrement voraces (« comment tu appelles cette variété ? » « des piquants » : j’adore ce pragmatisme polynésien, qu’on avait déjà bien pratiqué avec les Kanaks de Calédonie : « comment tu appelles ces super jolis petits poissons bleus ?? » « poissons bleus! » ;)) 


On goûte pour la première fois au germe de coco! Et à la pastèque polynésienne! Petit moment de baignade, photos, les chevaux paissent tranquillement, avant d’envisager le retour.

Une bien belle balade !


Pour l’après-midi, on se pose un moment dans le village de Hahiteu, avec sa jolie plage brune dominée par les pics à l’ouest, ses tikis, et son adorable église qui fait face à l’océan. Je me régale en images… au grand dam des enfants !!!


On reprend la route pour pousser plus à l’ouest vers la baie de Aakapa, tellement sauvage: au bout de la route, plus d’issue. Une immense cocoteraie face à la plage battue par les vents, le bruit des vagues, une petite rivière d’eau douce qui serpente vers la mer, et des chevaux qui paissent là paisiblement. On atteint le summum de la poésie ici!

J’adore cet endroit, dont on va profiter un certain temps. On se pose sur le tronc couché d’un cocotier (jamais sous un cocotier, gare aux terribles chutes de coco!), et on reste là. Pierre s’accorde une sieste (non mais cette faculté qu’il a à dormir assis, lui!!), pendant que Basile s’obstine à débourrer une coco. Il lui faudra une bonne trentaine de minutes! La persévérance ne l’a pas lâchée : fierté ! Et moi, je poursuis mon extase. Deux chevaux se tournent autour : l’un est attaché par une longe à un cocotier mais s’emmêle les pinceaux, il se cabre, il cabriole. L’autre s’est détaché, il vient le rejoindre, il boit à la rivière puis éclabousse. Je suis dans un film au bout du monde.

La lumière est belle, le vent est bon, les enfants du village au loin jouent dans les vagues, c’est une fin d’après-midi, quelque part dans le nord de Nuku Hiva…






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