On y est, c'est notre grand retour au point de départ, Tahiti, qu'on avait tant aimée.
Il nous reste une journée entière à occuper avant de prendre le vol pour Hawaii qui part tard en soirée.
Le premier jour de notre exploration sur l'île, on avait sympathisé avec Oneill qui avait été notre prof de surf pour deux heures, et il nous avait sacrément alléchés avec l'idée d'une sortie baleines, alors qu'il est aussi guide dans ce domaine.
On avait beaucoup réfléchi car le coût est énorme à cinq, mais l'idée d'approcher ces mammifères de près, voire même de se mettre à l'eau pour les observer sous la mer - ce qui est autorisé en Polynésie, selon des règles d'approche bien définies évidemment -, nous avait vraiment tenté. Alors on a dit oui. Et on doit retrouver Oneill et son capitaine, sur un petit bateau rien que pour nous, pour une matinée au large de Tahiti à la recherche des belles.
A chaque hiver austral, les baleines à bosse de l'Antarctique migrent vers le nord pour trouver les eaux chaudes de la Polynésie : après avoir stocké du gras sur le Pôle Sud, elles peuvent venir dans des eaux plus douces en températures nécessaires à leur reproduction, puis l'année d'après, pour la mise bas du baleineau, sans crainte des prédateurs. En effet, la Polynésie est quasiment exempte d'orques, son principal prédateur, et la baleine y est protégée, pas de crainte non plus de chasse de la part des hommes dans cette région du Pacifique. Elles y restent alors quelques mois au début de l'allaitement, avant de redescendre en Antarctique. Une baleine peut vivre une cinquantaine d'années, elle reviendra donc de multiples fois dans les eaux polynésiennes au cours de sa vie : ainsi les scientifiques les suivent assidument, les identifient, et les reconnaissent d'une année à l'autre.
On distingue quatre types d'individus : les mâles chanteurs, qui cherchent à attirer les femelles ; les dormeurs(ses) (d'un seul oeil, ils seront en stationnement sur des apnées longues); les mères avec leur baleineau, et les juvéniles qui sont de jeunes baleines qui suivent les ainés pour apprendre le chant et les comportements des plus vieux.
C'est donc tout guillerets que nous nous rendons au ponton du rendez-vous. Et bien l'enthousiasme n'a pas duré longtemps: au moment de tourner à gauche sur le parking, le 4X4 qui nous suit accélère et nous double par la gauche, crissements de pneus, frottements de tôle, on est un peu choqués, surtout qu'on est bien sûr en voiture de location, louée uniquement pour ces 24 dernières heures. On sort de la voiture pour essayer de comprendre ce qu'il s'est passé. La conductrice, une mamie tahitienne d'une soixantaine d'années, est clairement en tort, mais son mari surgit de la voiture en nous agressant verbalement. On est scotchés de tant de mauvaise foi, on explique qu'ils n'avaient pas le droit de nous dépasser par la gauche alors qu'on était engagés avec le clignotant sur la voie de stockage, mais ils ne veulent rien entendre et le monsieur se met à nous mimer la danse du cochon !!! Il dilate les narines, fait des grognements impressionnants et lève le poing sur Pierre, alors que leurs petits enfants assistent à la scène (dont deux jeunes situés sur le siège passager avant...). On est médusés et on abandonne toute discussion alors qu'ils se dépêchent de remonter en voiture et filent.
On se retrouve tout penauds sur le parking, avec notre aile avant gauche bien amochée.... On n'avait pas besoin de ça dans ce moment qui s'annonçait tellement heureux!
On se présente donc la mine déconfite à Oneill, tout désolé de ce qui nous arrive.
La sortie commence, Oneill nous fait son briefing sur le comportement animalier, sur les règles à respecter en cas de possibilité de mise à l'eau, on met nos combinaisons et c'est parti. Le temps est superbe mais la houle est bien formée au large, je suis rapidement moyen côté mal de mer. Et la contrariété de l'accrochage en voiture et du coût de la franchise ne me quittent pas...
La matinée commence avec une longue recherche, sans animal identifié. On croise d'autres bateaux qui ont le même discours, pas de baleine en vue pour le moment. On assiste tout de même au spectacle plaisant et impressionnant des poissons volants qui tiennent une sacrée distance hors de l'eau! Et à celui d'un requin-marteau (une grande première pour nous!) qui nous fait le privilège de chasser autour du bateau pendant de longues minutes en surface, c'est bluffant.
Mais toujours pas de baleine. On voit bientôt un souffle qui se répète au loin, mais l'individu "trace" vite comme dit Oneill, pas disposé à être observé. On comprend avec les autres bateaux croisés que tout le monde est dans la même difficulté aujourd'hui. On scrute, on scrute, mais pas facile. Puis un bateau nous signale par téléphone que deux baleines sont présentes à quelques kilomètres, et qu'elles semblent ne pas trop bouger.
Lorsqu'on arrive, nous sommes quatre bateaux au total à essayer de les scruter. Des souffles, des dos, des apnées longues, et c'est assez loin car en bateau on ne peut pas approcher à moins de 100 mètres. Et puis elles s'éloignent, et on tente de les suivre. Il semble que notre capitaine ait un bon instinct car il identifie à nouveau un des deux individus qui remonte respirer, à quelques centaines de mètres devant nous, vers 13 heures. Mais la houle rend difficile le repérage de leur zone d'apnée. On stationne, et après quelques souffles, on attend, et on scrute loin devant nous les prochains souffles d'une nouvelle remontée. C'est alors que la merveille se produit : Oneill et le capitaine la voient surgir sous l'eau en notre direction, sur le côté! Incroyable, c'est un juvénile qui vient à nous! On le voit très bien, son abdomen blanc, ses nageoires, il nous semble qu'il va passer sous le bateau (qui fait 6,70 mètres alors que cet individu doit être de la même taille ou même un peu plus grand!), mais non, il longe la coque, passe à l'avant et fait à nouveau demi-tour pour revenir nous voir! C'est magique, incroyable, un vrai jeu, en tous cas une réelle volonté de l'animal que de venir nous saluer, une rencontre souhaitée de sa part! C'est tellement beau!
Au bout d'une minute, un dernier coup de caudale et le voilà parti, on distingue encore quelques souffles et c'est fini. On est sur un nuage. Oneill a hésité à nous faire mettre à l'eau, il pense que le mammifère était vraiment disposer à jouer, mais il a craint qu'il ne veuille trop venir au contact et que nous ne soyons pas en sécurité. Habituellement il faut respecter une distance minimale de trente mètres lors d'une mise à l'eau, mais si c'est l'animal qui décide de se rapprocher, alors on ne peut rien faire!
On est partagés entre le regret de ne pas l'avoir vu sous l'eau alors qu'il était si près, et l'ivresse du bonheur de l'avoir si bien vu depuis le bateau, un privilège assez rare tout de même !
Je suis ravie que cette rencontre ait eu lieu à l'initiative de la baleine, qui nous a vraiment surpris en surgissant à côté de nous, une belle affirmation que la nature décide encore !
Et voilà, les montagnes russes des émotions sur cette dernière matinée! et une vidéo précieuse à garder longtemps dans l'ordinateur!
La soirée à l'aéroport est un autre moment riche en sensations !
Imaginez trois avions internationaux prévus à la même heure (Paris, Los Angeles, Honolulu, tous partant entre 23h30 et minuit), dans les dimensions de l'aéroport de Papeete (très modestes), avec seulement deux personnes pour le passage de la sécurité (personnel de l'aéroport en grève). Déjà on est bien.
Rajoutez quatre équipes de Va'a (la priogue!) survoltées qui partent au championnat du monde à Hawaii : au moins une bonne cinquantaine de personnes, tous en survêtements, et il n'y a pas que les sportifs qui partent! C'est sûr il y avait aussi la présidente de chaque club, le trésorier, les anciens champions du monde d'il y a 30 ans, et leurs taties avec !!!
Et imaginez que pour chaque Tahitien qui prend l'avion et quitte son pays (rentrée des classes et des étudiants à l'horizon en ce 10 aout), vous avez dix membres de la famille qui l'accompagnent presque jusque dans la zone de sécurité.
Vous soupoudrez de dizaines de colliers de coquillage par tête (je vous jure que certains avaient au moins 5 kg autour du cou, j'espère que les compagnies aériennes en tiennent compte parce que bien sûr, ces colliers sont offerts après l'enregistrement et la pesée des bagages ! J'vous raconte pas le surplus de poids pour l'avion!).
On termine avec beaucoup de larmes : les jeunes qui quittent le nid pour la métropole sans trop savoir quand ils seront de retour, et les familles métropolitaines venues voir en vacances le frère ou la soeur installé(e) sur Tahiti, et puis nous, qui au fond du coeur, avions ce petit pincement de quitter cet endroit si doux....
Voilà donc l'ambiance de ce dernier samedi soir à Papeete !!! ...
On quitte la Polynésie française avec des images de rêves et de magnifiques rencontres plein la tête... et de la nostalgie déjà, heureusement compensée par l'excitation d'aller découvrir une autre version de la culture polynésienne : Hawaii, nous voilà !!!
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